Textes

Arnaques, Mai 2010.

C’est un As imposé.
Je suis au full depuis deux heures… ça commence à m’emmerder.

C’est du gâchis Parmentier.
Deux trois culs de singes.

Ca ne vaut pas un caramel mou,
Un petit deux d’amour.

Il est bloqué au full montant…
Tant qu’il y arrive, il est sauvé!

Je l’ai mis sur la bonne voie.
C’est que des coups qu’il a été cherché.
Il est régulier.

Maintenant que ça se durcit.
Il s’en sort, le hareng!

Il est serré là les gars.
Grosse erreur.
C’est un très mauvais coup là.

J’annonce les quatre au coup d’avant, et ils arrivent au coup d’après.
Je fais sauter le carré!
Il a du As au deuxième jet pour faire sa montante.


Histoires réelles, 2010

(I)

Richard et Luce sont des gens merveilleux. Ils font partie de ceux touchés par la grâce, des illuminés, des nominés aux oscars de la foi. J’appréhendais d’aller à leur rencontre. J’avais peur de m’effondrer face à eux.
Comment sortir de ma bouche les vipères de mes peurs et de mes réticences face à la vie. Ils m’ont accueillie comme leur petite fille, les bras ouverts. Ils ont su m’écouter.

Pas d’avortement, pas de doute avant le mariage. Etape par étape.

Je les ai écoutés. Et je me suis sentie mieux.

Ils ont allumé une bougie et ils ont posé leurs mains sur ma tête avant de me signer le front. Ils ont commencé à parler en ‘Langues’, celle de ceux touchés par la grâce divine. Ils ont su trouver les mots à ma place. Je me suis livrée au flot de leurs paroles. Légère comme une plume. Me voilà plus calme et apaisée.

‘Lève toi, prie, et ne cède pas à la tentation’.


(II)

La mer et le ciel se confondent en une toile argentée. Mes yeux se plissent et je ne peux l’admirer de face tant elle brille. J’ai du mal à croire que j’y suis enfin, sur cette terre tant désirée. Le voisin nous a volé une partie de la vue avec son bloc de béton. Je lui en veux d’avoir cédé à la convoitise du paysage.

Je retrouve mon décor familier, affalée dans mon lit, avachie devant la télé. J’écoute le vent qui m’amène le bruit de la mer. J’ai envie d’aller me baigner. Le soleil me brûle le dos en cette heure matinale, c’est si bon. Je fais face à la Tourelle du Tamarin, la montagne de mes rêves.

Mon père a un nouveau voilier qu’il a dessiné lui-même. Il règne sur le vieux secrétaire hérité de ma grand-mère. Elle s’est envolée elle aussi comme les rêves de croisières de mon père. Beaucoup de nouvelles choses se sont installées dans la maison. Deux fauteuils début dix neuvième ornent désormais le salon des invités.


(III)

Je n’étais pas retourné à l’atelier depuis un moment. Tout était resté dans la pénombre. Mes cheveux retombaient sur mes genoux et je redécouvrais ce sentiment de malaise qui m’habitait de temps à autre. Je suis lasse de tout, je n’ai envie de rien. Je ne peux expliquer ce mal être. C’est ainsi, je ne peux pas contrôler mes angoisses, ce va et vient de dégoût sur les choses et sur les autres. J’entends un bruit. Je regarde par la fenêtre. Dehors, dans le patio, une délégation de gens avance vers ma porte, une douzaine de jésuites, avec en tête du cortège ma grand-mère Claude.

Elle est rajeunie de dix ans.

Elle vient vers moi d’un pas sur et déterminé, sourire aux lèvres, la conquérante. Elle frappe à ma porte et je n’ai nul courage de lui ouvrir tant je fais pitié à voir. J’ai honte, moi qui n’ai jamais été comme ça. Elle entre et me présente frère Petit Jean. ‘Ca va aller, tu verras, tu vas t’en sortir, mets tout entre les mains du bon Dieu’. Frère Petit Jean s’installe sur une chaise devant mon bureau d’où débordent des feuilles et des feuilles de papier. Mes dessins et mes écrits se mêlent, un désordre incroyable règne dans mes tiroirs, toutes ces choses que j’ai mises de côté depuis longtemps. ‘Ca va aller, ça va aller’ me dit-il. ‘Il faut que tu te réveilles. En ton absence je me suis permis de regarder dans tes affaires. J’ai pris le temps de lire tes écrits, de comprendre tes recherches. Un potentiel à exploiter, de l’idée à développer, du courage à retrouver.’

Je regarde au dehors par la fenêtre, ma grand-mère est là, sourire aux lèvres, me murmurant un ‘ça va aller’ réconfortant. Elle a dix ans de moins.


(IV)

C’était le premier défilé d’Ezra Rodney. La venue de ce styliste au sein de notre école était très attendue. Il était venu choisir les mannequins de son prochain défilé. En ce qui me concerne, je n’y pensais même pas. Je n’avais rien d’un mannequin. Je préférais qu’on dise de moi que j’étais sympathique.
Je fus la première à lui être présentée. Ezra s’avança vers moi d’un pas très assuré et me tendit la main. Il portait un grand manteau bleu roi et avait l’allure d’un fou. Il se dégageait de lui une grande fantaisie. A la fin de la journée son choix fut annoncé : Catherine et les autres. Je fus choisie en Special guest. Surprise mais aussi très intriguée, j’acceptai.

Ce fut mon tour de défiler et j’entrai sur le podium. Je fermais la présentation de sa nouvelle collection par une robe de mariée d’inspiration tibétaine. Je portais un grand turban de feutrine doublé de pourpre. Devant les spectateurs je retirai l’épingle perlée qui était plantée dans le turban, et celui-ci se déroula de manière lente et élégante, telle une belle queue de paon. Des ornements en argent se déployaient sur le tissu et affluaient sur l’organdi. La parure étincelait. Nul ne me reconnut sous le maquillage farfelu.

De retour en coulisses je cherchai à me déshabiller et je fus aidée par une assistante. Les rires et les soulagements après l’ivresse du show se firent entendre. Je m’approchai du miroir pour enlever mon masque. Je découvris alors mes dents teintées en violet et bordées d’un liseré noir. C’était le trend du moment en 2035.



Caroline, 2009
Je suis arrivée par la porte de derrière. En marchant dans cette maison vide, j’ai eu le sentiment d’avancer dans un espace blanc, un White cube conçu à l’échelle de mon regard. Le regard d’une jeune fille frissonnante qui pénètre une maison habituellement sienne. Je me suis senti attirée par une chambre, celle du fond du couloir à gauche, celle où j’ai découvert Caroline. En avançant j’ai vu un homme de dos, pull bleu à capuche bleue, pantalon velours bleu, cheveux courts noirs, et bras ballants le long du corps. Je me suis avancée, il s’est évaporé. En entrant dans cette chambre sombre, j’aperçus au fond, tout le long de la chambre, des placards en bois vernis. Une faible lumière attire mon regard par une porte entrouverte. Je pousse la porte en bois, elle coince, la lumière est de plus en plus intense, je la tire vers moi et un éboulis de terre se fait sur mes pieds. Ce que j’ai vu consistait en une toilette de faïence blanche, entourée, comme engloutie, de terre et d’herbe. L’odeur de la terre envahie mes narines, la lumière est si artificielle, blanche, écrasante, comme dans une armoire à marijuana. Je me penche et découvre des morceaux de chairs apparents. Je me penche et m’approche, je déplace un peu de terre et découvre alors la bouche et les yeux pleins de terre, le visage de Caroline. Elle était blanche, presque diaphane, les yeux ouverts, pétrifiés par une vision d’horreur. Le choc de l’étranglement, l’intensité du néon, l’odeur de la terre humide, de l’herbe arrachée, la gueule vomissant des granules et des feuilles.

Ci-gît Caroline, une cousine.



Maman, 2009
On parlait. On parlait. On parlait. Des heures durant de tout et de rien. De nous, des autres.

Je la connaissais par cœur, et je savais qu’elle me cachait quelque chose. Et puis un jour, en fin de semaine, un vendredi je crois, elle m’avoua le dilemme. Elle était recherchée par la mafia.

Elle se sentait traquée et ne m’en avait pas parlé plus tôt car elle ne voulait pas m’impliquer à cette histoire. Je tentais de la rassurer, mais je n’y arrivais pas. Elle se montrait toujours forte et ne montrait jamais de signes de panique. Seuls ses yeux laissaient transparaitre ses angoisses. Ma mère regardait dehors, et souriait au monde, au vide. Voilà une heure que nous étions à la laverie.

Nous attendions tranquillement que le temps passe. L’inquiétude me rongeait.

Quelques jours plus tard, la semaine suivante, j’avais rendez vous avec elle une fois de plus. Je l’attendais à l’angle de la rue. Elle n’est pas venue. J’ai attendu, attendu, attendu. Elle n’est pas venue. Puis soudain, le frisson intérieur : et si, et si vraiment ils l’avaient trouvée ?

Je commençais à courir, vite ! vite ! Partout, je ne la trouvais pas. Et puis je me rendis à la laverie où nous avions rendez vous. A l’intérieur, je ne vis pas ma mère. Le carrelage blanc en céramique reflétait ma silhouette haletante. Il n’y avait personne. Seule une machine à laver était en marche. En m’approchant je ne vis que du linge rouge. La machine tournoyait à un rythme régulier, mastiquant le linge rouge plongé dans une mousse de savon. Ecume rosée, linge rouge, eau rouge, et soudain une main. Les ongles non vernis, je reconnus sa douce main. Un avant bras tranché. Maman… maman… maman !

Ils l’avaient trouvée. Les salauds, ils l’avaient trouvée. Maman, ma détresse. Ma maman.



Mes parents, 2009
Voilà déjà deux ans que je suis en France, et je sais que je le dois au travail de mes parents. Ils habitent l’Ile Maurice depuis toujours et ont toujours voulu que mon frère et moi fassions des études dans un « grand centre ». Mon père nous avait toujours encouragés à quitter le pays, à quitter notre ile pour partir « à l’étranger ». Le moment venu, à mon tour je suis partie pour la France où j’ai commencé des études. « Les portes de l’Europe », disait mon père.

Ce que je ne savais pas c’est que mes parents s’étaient vraiment mis dans la merde pour nous.

Je ne me doutais pas qu’ils avaient des problèmes financiers, je ne savais pas qu’ils ne pouvaient assumer nos trains de vies « à la française ». Je ne savais pas non plus que mon pays était devenu une nouvelle Sicile. La Mafia s’était installée et je n’avais rien vu venir.

Ils avaient pris possession de mon père dès le début. Tout avait commencé par un petit emprunt de dix milles roupies, puis ce fut un autre de quinze milles, et puis un autre, et puis un autre, et puis un autre. Tout cela pour nous. Pour que nous ayons accès aux grandes « universités ».

Je commençais à me douter d’un problème lorsque je ne reçus pas le virement du mois de février. Pas d’argent de mes parents, pas de nouvelles non plus. Leur silence radio inhabituel.

Je ne comprenais pas.

Puis c’est par un coup de fil que j’appris ce qui c’était passé. Mon oncle m’appela et m’appris la « mauvaise nouvelle ». Mes parents étaient allés trop loin, trop d’argent, trop de comptes, trop d’emprunts. Avant-hier soir des hommes sont arrivés et les ont surpris dans la nuit, mon père et ma mère ont pris la fuite par le jardin, puis par la rue longeant les immeubles. Pieds nus, en chemise de nuit, ils coururent, souffles entrecoupés de larmes, ils étaient poursuivis. Ils étaient pris au piège en haut d’un immeuble. Ni réfugiés ni à l’abri ils furent retrouvés et c’est face à face que les tueurs les criblèrent de balles. J’entendis le chant des mitraillettes, je vis la lente chute de leurs corps dans le vide, les tissus de leurs chemises trouées et perlées de sang, mon Dieu la lenteur de leur chute. Le lendemain leurs deux corps gisaient sur le trottoir d’en bas.

A partir de ce moment, je vis Rouge.



Damien, 2009
J’étais dans la cuisine quand ils arrivèrent. Mon oncle et ma tante, mon cousin et sa femme, têtes baissées, barbouillés d’antidépresseurs. Je ne savais que leur dire si ce n’était « Entrez je vous en prie ». Nous étions dimanche et mes parents les recevaient à déjeuner.

Tout est arrivé si vite. Il y a à peine quelques jours on entendait encore rugir le moteur de sa moto dans le jardin de grand-mère. Depuis le silence s’était installé chez elle. Tout est arrivé si vite ; il a eu un mal de tête subit, une sorte de crise névrotique, puis il est tombé. Ma grand-mère et ma tante ont accouru vers lui, il était déjà emporté par la rupture d'un vaisseau sanguin. Plus tard l’ambulance est arrivée, et l’a emporté pour de vrai. Damien mourut à l’âge de 15 ans des suites d’un accident vasculaire cérébral.

Sa famille était venue déjeuner à la maison histoire de se changer les idées, histoire que nous nous retrouvions ensemble. Je n’avais pas encore pleuré sa mort, je n’avais pas encore compris ce qui se passait au sein de notre famille. Et puis soudain j’éclatais en sanglots.

J’épluchais les légumes depuis déjà quelques minutes lorsque je fus prise d’un fort serrement de poitrine qui me força à me tordre sur moi-même. Point de couteau dans la poitrine, je pleurais, je pleurais, je pleurais, je voulais crier, mais je n’arrivais pas, j’étais emportée par des hoquets, des relents de sanglots, je tremblais, je n’arrivais pas à m’arrêter, c’était trop dur, c’était trop dur, la réalité m’avait rattrapée.

Et puis une main se posa sur mon épaule et me dit « Ce n’est rien, ça va passer ». Ma tante, sa mère, me regarda et baissa les yeux. Puis elle sourit et me pinça fermement l’épaule en signe de courage.

Puis je me suis rappelé. Je courus vers le jardin de mes parents à la recherche du petit pot de Damien. Nous avions décoré et peint un pot chacun une année, alors que nous étions plus jeunes, lors d’une session de peinture familiale. J’ai cherché parmi la vaisselle du jardin, parmi les pots de fleurs en céramiques, j’ai trouvé quelques vasques cassées, quelques pots chinois, mais pas celui de Damien. Tous ceux des autres cousins étaient présents sous mes yeux, sauf celui de Damien, disparu.



Micheal, 2009
Quand j’ai ouvert les yeux je me suis retrouvée éblouie par une grande lumière. Un grand tunnel de lumière se dessinait sous mes yeux. Je me suis demandé si ce n’était pas pour moi. Et puis j’ai vu un homme de dos marcher vers la lumière. Il avançait tout doucement et s’enfonçait dans le tunnel. Puis il s’est arrêté et s’est retourné vers moi. Il m’a salué d’un « au revoir » de la main. Je l’ai tout de suite reconnu, c’était Michaël.

Voilà une semaine qu’il avait disparu. Je l’avais rencontré le soir même de sa disparition lors d’une fête organisée dans un petit bois dans le nord de l’île. Je n’étais même pas autorisée à y aller, mes parents me l’avaient défendu. Mais j’y suis allée quand même.

Une semaine plus tard, son corps sans vie fut évacué d’un puits. Apparemment il y serait tombé. Ou poussé.



Inspiration Molloy de Samuel Beckett, 2009
Parfois j’ai envie de dire ce qui me passe par la tête,
j’ai envie de crier ma haine du monde que j’observe,
mais je n’ai plus beaucoup de volonté voyez-vous.
Parfois j’en ai marre qu’on m’expose la science infuse,
ou l’inéluctable savoir propre à certains sages (ou singes),
que l’on m’expose comme évidence les écrits des fins penseurs de notre siècle.

Tous sont dotés d’énigmes que seuls les plus avertis pourraient décoder.
Ils sont marqués de signes que je ne comprends pas.
Et puis Parfois je voudrais écrire des choses que je ne maîtrise pas,
dont je ne connais pas vraiment la signification,
les nuances ou les retombées,
de grands mots adultes et irresponsables.

Et puis ça m’arrive et je le fais.
D’ailleurs je ne relis pas,
et je n’ai pas relu ce que je viens d’écrire.

Parfois je voudrais inventer une chansonnette enjouée,
celle que je fredonnerai à chaque fois que je me sentirai torturée des méninges.
Je voudrais écrire un nouveau refrain pour palier à mes humeurs.
Mais c’est toujours le même qui revient,
un peu insipide, un peu naïf, un peu ironique ;
« Tous ensem-ble, il me sem-ble, qu’on pourrait changer le mondeeee…
De jour en jour, de cœur en cœur, par des gestes d’amouuur…
Tous ensem-ble, il me sem-ble, qu’on pourrait changer le mondeeeee !
En changeant tout d’abord son coeeeuur ! En changeant tout d’abord son coeeeuur ! »


 
Gail, 2009
Gail marchait à nos cotés sur le trottoir. Emma pédalait un vélo et moi j’étais assise derrière elle. Notre vélo était tout petit, proche du sol, couleur jaune métallique. Nous avions décidé de faire le tour de l’île sur ce petit vélo et à pied. Qu’importe, nous étions en février, il faisait beau, chaud, et c’était pour moi un plaisir que de faire découvrir mon pays à mes amies. On avait prévu ce voyage depuis un an.

On ne voulait pas prendre les transports en commun, car c’était bien plus drôle de marcher et d’aller à un rythme lent, tranquille, celui des vacances que nous attendions depuis si longtemps. C’était très agréable de redécouvrir le paysage avec elles, de leur parler des coutumes, des gens. On se faisait même siffler par des hommes entassés dans des bus allant à la mer. Qu’importe, nous étions heureuses de vivre ce séjour.

Et puis en arrivant au village de Palma, Gail vit un groupe d’oiseaux tournoyer dans le ciel. Des serins du Cap. Des oiseaux de taille moyenne, couleur jaune vif. Ils ne volaient pas très haut et semblaient nous suivre alors que l’on marchait. C’est devant l’église Sainte Brigitte que le spectacle devint plus impressionnant : on aurait dit une valse d’oiseaux, telle une parade amoureuse. C’était superbe. « Attends. Prends une photo, prends une photo ! ». Gail se précipita vers le groupe d’oiseaux qui se mit à voler autour d’elle. On aurait dit qu’ils dansaient. Le vélo posé à terre, Emma tenait l’appareil et la prit en photo. Alors j’allai moi aussi dans la valse d’oiseaux et Emma nous prit toutes les deux.

Je retournai ensuite vers Emma pour voir la photo. Elle me fit remarquer que j’avais une guêpe sur mon t-shirt. Une mouche jaune ! Alors je la poussai d’une main avant de m’apercevoir qu’une autre s’était infiltrée sous mon t-shirt. Je tentai de l’écraser avec ma main, et elle me piqua dans le dos, au milieu de la colonne vertébrale. Douleur intense : petite je m’étais fait surprendre et piquer plusieurs fois et à plusieurs endroits, les mouches jaunes sont des guêpes très féroces dans l’île.

Soudain je pris peur, c’était un piège. « Gail ! Sors de là ! vite ! vite ! » Gail regarda autour d’elle et réalisa qu’elle était couverte de mouches jaunes : agrippées à ses vêtements les mouches semblaient affolées par la présence des oiseaux. Elle se débâtit pour s’extraire des oiseaux et courut vers nous. Les guêpes recouvraient son corps et la piquaient partout, elle pleurait et avait très mal, elle se tordait de douleur. Même une douzaine d’oignons ne l’auraient pas apaisée. C’était un spectacle horrible. Emma était affolée et je courus arrêter un bus qui arrivait dans notre direction. Le bus s’arrêta et on plaça Gail sur le sol. Elle tremblait de douleur, rouge, sa gorge semblait se serrer, son souffle se rétracter. Gail, tentait de rester avec nous.



Parrain, 2009
Ca y est il avait obtenu son permis de conduire et était venu me cherchait pour faire un tour en voiture. J’étais toute contente ; enfin me retrouver seule avec mon parrain. J’adorais discuter avec lui, de sa vie, de ses voyages, de sa sensibilité, de ses revendications, de ses amis…

On quittait mon village, et on roulait vers le nord. L’air était frais, c’était amusant, je me sentais bien. Il était à l’aise au volant, bien plus que dans la société. On discutait, on échangeait nos points de vue, curieusement, nous étions pratiquement toujours d’accord. Pourtant on ne se voyait jamais, à peine une fois par an. Mais le feeling était là, qu’importe, on roulait.

On traversait le village de Bambou lorsque le dragon déchira la route, égorgea le sol et rugit de tout son feu. Arrivé dans le virage de l’usine au camembert, le dragon surgit en éventrant la terre, il brisa en deux cette pauvre petite route qui nous menait à la capitale.

Mon parrain zigzagua, les roues de la voiture crissaient, il faisait tout pour l’éviter. La voiture entra dans une colonne électrique. Que de fumée sortie du capot de la voiture, une fumée grisâtre et blanche. Je me réveillai ; plus de parrain, plus de dragon.





J’aime…
 l’odeur de l’oreiller le matin,
me dire que ce n’était qu’un cauchemar,
prendre mon temps, rester en déshabiller,
faire le ménage, ranger mes casseroles,
regarder mes plantes,
brosser mes dents,
avoir les cheveux propres,
cuisiner, les yaourts brassés,
le soleil matinal, être dans l’action,
être concertée,
être écoutée, écouter, analyser,
bricoler, l’effort,
les douches chaudes, les pyjamas, les gatés,
me sentir femme,
les livres reposants, les lectures poussées,
écrire, chanter,
danser,
m’habiller,
faire rire, raconter des histoires,
la politesse, flâner en magasin,
le vin rouge des soirées, le coca light des lendemains,
les journées couture,
les après midi thé, les confidences, faire confiance,
la foi en quelque chose,
L’esprit de famille,
maîtriser, comprendre, résoudre.


Je n’aime pas…

les lits défaits, les réveils brutaux, les slips kangourous,
le désordre, les apparences sales,
la malhonnêteté, le manque de respect,
le manque d’initiative, le manque d’ambition,
la perte de temps,
la prise de risque en tout genre,
la frénésie du bio, l’engouement écologique,
les vies communautaires,
les points de vue radicaux, la non malléabilité,
le luxe, la fausse bourgeoisie, la prétention,
les petits points rapprochés,
les crachats,
l’abus d’alcool,
le manque de finesse,
les non dits, les regards soutenus,
les cris d’enfants, les jeux vidéos, la science-fiction,
les pseudos intellos, les discussions superflues,
refouler mes sentiments,
l’intimidation, la provocation,
l’incantation des esprits,
voir des films cul-cul au cinéma, l’art pornographique,
les remarques d’intellos désemparés,
« Quoi ! Tu ne connais pas ?? Tu l’as jamais lu ? Tu ne sais pas qui c’est ? »,
le manque de reconnaissance,
l’abnégation de la foi.